11/04/2017

La quatrième blessure narcissique

L’Esprit du monde ne procède pas d’un dépassement dialectique progressif qui mènerait l’humanité vers plus de sagesse, plus de lumières, plus d’émancipation au fil de la lutte des consciences (ou de celle des classes). On remarque bien que chaque génération qui vient au monde doit, malgré toute la culture qui lui préexiste, tout apprendre comme si l’humanité toute entière recommençait son Histoire à zéro. De même à l’échelle de la vie d’un sujet, quand bien même une pensée solidement bâtie lui donnerait le sentiment de vivre dans le vrai, il doit parfois faire face à de foudroyantes intrusions qu'il est incapable de penser. Celles-ci l'ébranlent au point qu'il doit lâcher ses certitudes et tout réapprendre comme un nouveau-né. Réapprendre à trouver la vérité, réapprendre à déposséder, réapprendre à vivre. Car au fond, seule est nécessaire la contingence de nos petites existences mortelles, perdues dans une banlieue lointaine de l’univers, sans vérités, sans Dieu, sans salut, sans postérité, sans commencement ni même fin du monde. Et peu importe si la pensée n'est que jeux de langage, fantasmes ou engagements idéologiques hallucinés : elle produit des formalismes qui redonnent corps au Réel, ce qui pour l'humain est une question de vie ou de mort. En ce sens la dialectique est notre seule consolation face au Néant. Elle est la force courageuse, moderne et athée, d’une régénération perpétuelle du vrai tout en étant consciente de sa propre contingence.